Labraunda
Le sanctuaire Carien

, par Jean-Michel Colas

Présentation générale du site

fig.1

Le site de Labraunda est situé dans la région égéenne de la Turquie. Proche de la ville moderne de Milas (ancienne Mylasa), région de Mugla, ce sanctuaire carien extra-urbain est accroché au versant sud du mont Latmos, à environ 750 m d’altitude. La route moderne qui mène de la ville de Milas à Labraunda, longue de 15 km, se superpose à la voie sacrée, construite au IVe s. a.C.
De Hérodote à Elien le Sophiste, en passant par Strabon, Plutarque et Pline l’Ancien, les sources littéraires mentionnant Labraunda sont nombreuses. Le site est décrit non seulement comme un centre de culte particulièrement important pour le sud-ouest de l’Asie Mineure, mais aussi comme un centre politique où les chefs de guerre cariens tiennent régulièrement conseil.

fig. 2


Labraunda est le sanctuaire extra-urbain principal de la ville de Mylasa, ancienne capitale de la Carie. Le site tire son nom des attributs du Zeus Labraundos, porteur de la double hache, la labrys (fig. 2).
 On connaît mal les origines de ce sanctuaire dont les plus anciens vestiges céramiques datent du VIIe s. a.C. A la toute fin du VIe s. a.C., le sanctuaire se limitait à un unique temple en marbre, distyle in antis, et à un mur de terrasse au parement polygonal . C’est au cours du IVe s. a.C., avec l’avènement de la dynastie des Hékatomnides, que Labraunda va connaître un rayonnement régional. Mausole, puis son frère Idrieus entreprennent de transformer ce site en en faisant un grand centre cultuel « pan-carien » (fig. 3).
 

En un peu plus de trois décennies, ils réaménagent complètement la topographie par la construction d’une série de très grandes terrasses qu’ils ornèrent d’un ensemble architectural monumental (fig. 4). On citera, pour exemple, l’élargissement du temple archaïque, la construction de deux propylea, l’édification des Andrônes A et B, la longue stoa est (plus de 45 m), la stoa nord, une série de fontaines et la tombe monumentale (?). Parallèlement, les Hékatomnides s’efforcent d’assurer au sanctuaire une protection digne d’une grande capitale par l’édification d’un réseau de fortifications qui protégera non seulement le temenos lui-même (grâce à une large acropole), mais aussi son accès, par cinq bastions.
 

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fig. 4

 

HISTOIRE DES RECHERCHES A LABRAUNDA

Le site de Labraunda, bien que connu de longue date par les sources antiques, ne fut redécouvert par les savants modernes qu’à partir du second tiers du XIXe siècle . Les premiers travaux de relevés menés sur le site sont dus à un Français, Philippe Le Bas, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, qui fut mandaté par le ministre de l’instruction publique afin de mener une expédition épigraphique en Grèce et en Asie Mineure.
Philippe Le Bas visita le site de Labraunda le 17 mars 1844. Un extrait d’un courrier, publié dans le numéro de mai-juin 1844 de la Revue Indépendante, révèle la fascination que le sanctuaire exerça sur le savant : « … j’avais enfin rencontré l’objet de mes fatigantes recherches : j’étais bien à Labraunda. Strabon dit que le temple de Jupiter Stratius, dans ce lieu, était fort ancien. Tout, dans les ruines de celui de Yaïla, annonce une haute antiquité. Il ne ressemble en rien à tous ceux que j’ai vus jusqu’à ce jour… ».
Ce n’est qu’à partir de 1948 que des fouilles furent entamées dans le sanctuaire. Cette première opération est due à l’obstination du professeur suédois d’archéologie classique Axel W. Persson. S’appuyant sur des connections liées à la double hache, ce savant, spécialiste de l’Âge du Bronze en Grèce, était persuadé de trouver dans ce sanctuaire les éléments qui manquaient à la communauté scientifique internationale pour déchiffrer le linéaire B, syllabaire mycénien dont des tablettes furent mises au jour en Grèce continentale et en Crète.
Les premières campagnes de fouilles durèrent de 1948 à 1951, date à laquelle A.W. Persson disparut et fut remplacé par G. Säflund. La cadence des campagnes de fouilles devint alors moins régulière. Après la campagne de 1953, il fut décidé d’entamer la publication des rapports finaux des fouilles de Labraunda et une dernière opération fut menée par A. Westholm, dont l’objectif était de clore définitivement les fouilles et de remettre le site en état avant d’en transmettre la responsabilité aux autorités turques. Après deux mois de fouilles, on organisa donc une cérémonie officielle censée marquer la fin des fouilles suédoises à Labraunda.
Après la publication de cinq volumes de la série des Labraunda Swedish Excavations and Researches, nombreuses furent les voix qui s’élevèrent afin de réclamer une nouvelle série de courtes campagnes de vérification de terrain afin de mener à bien l’étude des nombreux bâtiments qui avaient été mis au jour sur le site. C’est ainsi que de courtes opérations eurent lieu pendant les années 1979, 1983 et 1985. Loin de répondre aux attentes des chercheurs, et malgré la publication de quatre volumes supplémentaires, ces travaux démontrèrent la nécessité de reprendre de grandes campagnes de fouilles visant à compléter le dégagement des bâtiments les plus importants du site, notamment les différentes stoai, les andrônes et les oikoi.
En 1987, les autorités turques accordèrent un premier permis de fouilles au Prof. P. Hellström, qui dirigea, sous les auspices de l’Institut de recherche suédois à Istanbul, sa première opération à Labraunda dès l’année suivante. Le prof. Hellström enchaîna ensuite les campagnes annuelles jusqu’en 1993, revenant de chaque expédition avec une moisson de données nouvelles et spectaculaires.
Après une ultime pause de huit années, les opérations reprirent en 2002, sous la direction de P. Hellström, d’abord, qui passa la main au Prof. L. Karlsson à partir de 2004. L’arrivée de L. Karlsson à la tête des fouilles de Labraunda marqua une étape décisive dans la connaissance du sanctuaire. En effet, alors que l’essentiel des efforts, sur le terrain, avaient été concentrés jusqu’ici sur l’espace délimité par le temenos, L. Karlsson décida d’élargir les investigations archéologiques à la fois géographiquement, aux alentours immédiats du sanctuaire, et chronologiquement, en incluant notamment la période byzantine. Cette démarche visait à acquérir une vision plus globale et diachronique du paysage archéologique du sanctuaire. Les résultats ne se firent pas attendre et, s’ils restèrent moins spectaculaires que la fouille d’un temple d’époque classique, ils dépassèrent bien souvent les attentes .
 

ACTİVİTÉS DE TERRAİN ACTUELLES

 
Depuis la nomination d’Olivier Henry à la direction des fouilles du sanctuaire, l’activité de recherche à Labraunda s’est sensiblement élargie. Elle inclut notamment :

  • une prospection visant à faire le point de nos connaissances sur l’activité et l’occupation du sol autour du sanctuaire ;
  • plusieurs programmes de fouilles (acropole, Andron, tombe monumentale, bains romains, fontaine monumentale, distribution et stockage des eaux) ;
  • des actions de mise en valeur du site ;
  • des programmes de protection/restauration (architecture, objets, marbre, céramique et mortiers).
     
    L’équipe, formée d’experts internationaux, comprend plus d’une cinquantaine de membres représentant plus d’une dizaine de nationalités.
    La fouille de Labraunda est supportée par le Ministère des Affaires Étrangères et du Développement International et a mis en place des partenariats avec nombre d’institutions étrangères et locales turques, publiques comme privées.
     
    Le programme de recherche à Labraunda s’inscrit dans le cadre d’une Chaire d’Excellence PSL*.
     
    Pour en savoir plus nous vous invitons à visiter le site internet dédié : www.labraunda.org
     

    Bibliographie sélective

  • Dans la série Swedish Excavations and Research at Labraunda
  • Vol. I:1. Kristian Jeppesen, The Propylaea, Lund 1955.
  • Vol. I:2. Alfred Westholm, The architecture of the Hieron, Lund 1963.
  • Vol. I:3. Pontus Hellström & Thomas Thieme, The Temple of Zeus,
    Stockholm 1982.
  • Vol. II:1. Pontus Hellström, Pottery of Classical and Later Date, Terracotta Lamps and Glass, Lund 1965.
  • Vol. II:2. Marie-Louise Säflund, Stamped Amphora Handles, Stockholm 1980.
  • Vol. II:3. J.J. Jully, Archaic Pottery, Stockholm 1981.
  • Vol. II:4. Michael Meier-Brügger, Die karischen Inschriften, Stockholm 1982.
  • Vol. II:5. Ann C. Gunter, Marble Sculpture, Stockholm 1995.
  • Vol. III:1. Jonas Crampa, The Greek Inscriptions, part 1, Lund 1969.
  • Vol. III:2. Jonas Crampa, The Greek Inscriptions, part 2, Stockholm 1972.
     

    Publications récentes

    O. Henry et al., “La mission Labraunda 2013 – Rapport préliminaire”, Anatolia Antiqua XXII, 2014, 255-325.
    O. Henry et al., “Labraunda 2012 – Rapport préliminaire”, Anatolia Antiqua XXI, 2013, 285-355.